Le sang de Delphine #3

7 Août 2021 | Ecrits | 0 commentaires

Nous y sommes : le chapitre 3 du sang de Delphine.

Si vous n’avez pas lu le chapitre 2, il se trouve ici. Et si vous découvrez totalement cette série, voici le chapitre 1.

Les choses se gâtent dans ce chapitre. Dois-je mettre des Trigger Warning ? Je ne sais jamais. Si vous pensez que c’est utile, dites-le moi en commentaire et je les rajouterai.

En attendant, je vous souhaite une bonne lecture et vous dis à la semaine prochaine pour le chapitre 4.

Le sang de Delphine – Chapitre 3

 Delphine poussa la porte. Une odeur de renfermé vint accueillir mère et fille. Elle hésita un instant.

– On entre ?

Delphine se donna toute la contenance qu’elle put. Elle fouilla au fond d’elle pour trouver le peu de courage qu’il lui restait et avança. La demeure était plongée dans l’obscurité, mais des rayons de lumières s’échappaient des volets, entre deux planches. Delphine appela :

– Maman ? Tu es là ?

Pas de réponse. Amandine pointa la torche de son téléphone vers l’avant. Les meubles étaient recouverts de draps. Les seuls habitants de la maison étaient les araignées. Elles s’en étaient donné à cœur joie pour installer leurs toiles où bon leur semblait. Delphine et Amandine montèrent les escaliers. Les marches craquaient et de la poussière se soulevait à chaque pas.

– Tu es sûre qu’on ne va pas passer au travers ? demanda Amandine peu rassurée.

– J’espère, répondit Delphine tout aussi craintive.

Arrivées à l’étage, elles entrèrent dans la première chambre à coucher. C’était celle de Delphine. Elle était exactement comme elle l’avait laissée vingt ans auparavant. Amandine, oubliant l’espace d’un instant sa peur, se moqua des posters que sa mère avait accrochés aux murs.

Mais, Delphine n’entendait pas. Revenir ici lui fit remonter des souvenirs.

Elle se revoyait adolescente, assise sur son lit en train d’écouter de la musique, son beau-père entrant, un sourire mielleux sur les lèvres.

– Ma petite chérie, j’ai besoin de toi, disait-il d’une voix lancinante. Je suis malade, j’ai besoin que tu me fasses un câlin.

Non, Delphine ne voulait pas. Elle détestait lorsqu’il venait la voir. Son estomac se noua et son cœur s’accéléra. Elle pensa :

Pitié, laisse-moi. Ne me fais pas ça.

Mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge, et tout ce qu’elle put faire, ce fut sourire. Elle se détestait de ne pas réussir à dire non. Elle se détestait de le laisser lui infliger cela. Elle hurlait intérieurement tandis qu’il tourna la clef dans la porte et la verrouilla.

– Maman, tu vas bien ?

Delphine, happée par la réalité, sortit brutalement de son souvenir. Sa respiration était haletante et son cœur tambourinait dans sa poitrine. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front. Elle dû regarder intensément le lit pour se persuader qu’il n’y avait personne. C’était terminé, il n’était plus là. Il ne la persécuterait plus. Elle n’osa pas tourner le dos à la chambre et ressortit à-reculons. Amandine se rendit compte que quelque chose venait de se produire. Elle posa la main sur sa mère qui sursauta.

– Tout va bien, tenta de la rassurer Delphine.

Amandine n’y croyait rien, mais elle accepta de jouer le jeu.

Reprenant leur visite, elles se rendirent dans la seconde chambre, celle de la mère de Delphine. Vide, comme le reste de la maison. Mais ce qui l’interpella, ce fut que les volets, contrairement aux autres pièces, étaient parfaitement opaques.

Amandine fut parcourue d’un frisson.

– En tout cas, c’est lugubre ici. C’était déjà comme ça avant ?

Avant. Il y a vingt ans. Cela ne lui semblait plus aussi loin à présent. Elle retomba, comme au bord d’un précipice, dans un souvenir.

Elle était petite, c’était avant que Dimitri, son beau-père, n’entre dans leur vie. L’atmosphère était douce, chaleureuse. Delphine et sa mère jouaient à cache-cache dans la maison. Elles étaient très complices. Un battement de cil, et les revoilà un an plus tard. Mais tout avait changé. La maison était sombre, peu éclairée. Dimitri n’aimait pas qu’on ouvre les volets. Il se plaignait d’une peau trop sensible du fait de sa maladie. Sa mère acceptait tout de lui. Delphine n’avait pas d’autre choix que d’approuver. D’une part, parce qu’elle ne voulait pas blesser sa mère, d’autre part, parce que Dimitri lui faisait peur. Elle l’avait déjà vu en colère. Les souvenirs étaient brumeux, mais elle pouvait encore ressentir sa peur d’enfant. Dimitri la terrifiait encore maintenant.

– Maman ?

Delphine sortit de ses pensées et fut ramenée à la réalité.

– C’est devenu comme ça à l’arrivée de mon beau-père. Avant, c’était plus sympa.

– Du coup, on fait quoi ?

Il n’y avait qu’une chose à faire.

– On va à l’hôpital, voir ma mère.

Elles ressortirent et remontèrent en voiture. Delphine demanda à Amandine :

– Tu as bien fermé la porte ?

– Oui, ne t’en fais pas.

– Elle est un peu grippée, il faut forcer, tu as vu ?

– Maman, fais-moi confiance, j’ai assuré.

Delphine sourit à sa fille et lui caressa la joue. Elle ne devait pas reporter son stress sur elle. Elle ne l’avait pas mérité. Mais comme il était difficile pour elle de faire la part des choses à ce moment-là ! Elle démarra, sortit de sa place de parking et cala. Amandine tourna la tête et posa un regard inquiet sur sa mère.

– Ce n’est rien, je me suis trompée de vitesse.

Elles repartirent. Amandine continua d’observer sa mère en silence. Delphine sentait le poids de son regard, mais faisait comme si de rien n’était. Elle appuya nerveusement sur l’interrupteur de la radio. Une reprise plus douce de Sweet dreams d’Eurythmics démarra. Elle monta le son. Amandine tourna la tête vers la route. Elle n’avait pas souvent l’occasion de descendre à la capitale. Ici, tout était bruyant. Il y avait des voitures partout, de l’agitation. Tout le monde semblait en retard à un rendez-vous. L’architecture était très étonnante : c’était un mélange d’ancien, de vieilles pierres de l’époque coloniale, et de neuf, de grands building tout en verre. Une ville quelque peu anachronique en somme. À cette heure-ci, bien que les gens aient commencé leur travail depuis déjà plusieurs heures, il y avait encore des bouchons.

– C’est ce satané rond-point à la sortie de la voie express, expliqua Delphine comme si elle avait lu dans les pensées d’Amandine.

Bientôt, elles roulèrent près du port, puis se dirigèrent vers la mer. Le CHS était au bord de l’eau. Elles se garèrent dans un parking de fortune et descendirent au pavillon 5.

Dès l’entrée du bâtiment, un infirmier s’interposa.

– Les mineurs ne sont pas autorisés ici.

Amandine recula et rassura sa mère :

– Ne t’en fais pas, j’attends dans la voiture.

– Tu es sûre ?

– Oui, vas-y.

Elle ressortit et Delphine poursuivit sa route jusqu’au bureau des infirmières.

– Bonjour, je viens voir ma mère, Carole Wé.

L’infirmière opina du chef.

– Oh ! Vous êtes sa fille ? C’est incroyable, c’était la première fois que je l’entendais parler. Ils ne m’auraient pas crue à la transmission si Jeannette ne l’avait pas entendue elle aussi.

– Que s’est-il passé ?

– Elle était assise devant la télé comme tous les jours. Tout à coup, elle s’est levée, comme une envie de pis… Enfin, sans raison, quoi, et elle est venue me voir. Je m’attendais pas à ce qu’elle ouvre la bouche et me dise très clairement, d’une voix un peu rauque quand même, qu’elle voulait vous téléphoner. J’ai dû chercher votre numéro dans l’annuaire. Et je l’ai entendue vous parler. Puis elle a raccroché, elle s’est rassise dans son fauteuil et elle n’a plus rien dit depuis.

–Ça lui était déjà arrivé ?

– Oh non, c’est bien la première fois. Venez, je vous amène la voir. Elle est en chambre.

Elles traversèrent la pièce de vie. Ce qui choqua Delphine, hormis le regard de certains pensionnaires qui semblaient tout disposés à la dévorer sur place, ce fut la télévision enfermée dans une cage. Ils n’avaient pas accès à grand-chose. Aucun d’eux n’avait de téléphone. Elle savait que le pavillon 5 était celui des personnes à long terme, abandonnées ou ayant besoin de beaucoup de soins psychologiques, ou bien dangereuses. Cette pensée lui glaça le sang.

Elles entrèrent dans une chambre capitonnée très austère. A l’intérieur, il y avait une fenêtre en hauteur, inaccessible et qui ne s’ouvrait pas, un lit et un bureau. Une porte donnait sur une salle de bain composée de toilettes, d’un lavabo et d’un robinet de douche accroché au mur.

Carole était installée sur son lit, les yeux dans le vague. Delphine s’assit à côté d’elle et l’infirmière repartit.

– Maman, tu m’as appelée.

Pas de réponse, pas de réaction.

Delphine n’était jamais venue voir sa mère. Elle avait appris son hospitalisation lorsque le psychiatre qui s’occupait d’elle lui avait téléphoné à son admission. Une fois l’an, il la rappelait pour lui donner des nouvelles. Souvent les mêmes. Son état était stable, elle ne parlait pas, mais elle ne causait pas non plus de soucis.

Delphine posa la main sur celle de Carole. Toujours pas de réaction.

Elle tourna la tête pour voir ce qu’observait sa mère. Rien en particulier. Le mur était blanc, sans décoration ni même une tâche. Il n’y avait pas non plus d’araignée ou de mouche qui se baladait.

Delphine reporta son attention sur sa mère.

– Maman, tu m’as appelée. Tu m’as dit qu’il fallait que je rentre, qu’il avait besoin de moi. De qui p…

Le regard de Carole reprit de l’éclat. Elle tourna la tête et plongea dans les yeux de sa fille. Elle ouvrit la bouche et une voix, un râle même, en sortit :

– Il est de retour.

Conclusion

J’espère que ce chapitre vous a plu. Si c’est le cas, n’hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous, à l’aimer (les petites mains qui applaudissent) et à commenter. Tous ces petits gestes améliorent mon référencement et me rendent plus visible, donc ils m’aident beaucoup. Et ils m’encouragent à vous donner du contenu.

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D’ailleurs, j’ai commencé cette semaine à dévoiler la couverture du Coeur des CHEIM. Pour l’instant, c’est un peu flou, mais chaque jeudi pendant encore 4 semaines, elle se dévoilera. Voici pour vous cette première image :

Couverture floue du Coeur des CHEIM

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